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École maternelle en danger
Article publié le 28 février 2011

2004 : (B.O. spécial n°10 du 30 septembre
2004 Chapitre III - Dispositions particulières aux
enfants d’âge préscolaire Article D. 113-1)
"En l’absence d’école ou de classe maternelle, les
enfants de cinq ans dont les parents demandent la
scolarisation sont admis à l’école élémentaire dans
une section enfantine afin de leur permettre d’entrer
dans le cycle des apprentissages fondamentaux
prévu à l’article 3 du décret n° 90-788 du 6 septembre
1990 relatif à l’organisation et au fonctionnement
des écoles maternelles et élémentaires".
L’absence localement d’écoles maternelles est
entérinée. Le principe de l’entrée à l’école à 5 ans
par dépit est acté.

En 2005, dans le cadre de l’article 86 de la loi
de décentralisation, des expérimentations sont
désormais possibles. Certaines collectivités locales
sautent sur l’occasion pour ouvrir des jardins
d’enfants en concurrence des écoles maternelles.
C’est le cas en Mayenne, dont le conseil général
est dirigé par l’UMP Jean Arthuis, ou à Argenteuil,
qui venait de basculer à droite. Depuis, des élus
locaux ont revu leur position et l’expérimentation
mayennaise tourne au fiasco.

En 2007, la loi d’orientation reconnaît le droit
à la scolarité obligatoire dès l’âge de 5 ans.
Ce qui est présenté comme une avancée par le
gouvernement est en fait une escroquerie qui
rend plus floue l’admission des élèves avant 5 ans.
Septembre 2008, Xavier Darcos dérape
devant la commission des finances du Sénat (sous
la responsabilité de Jean Arthuis, qui n’est pas un
inconnu dans ce dossier). La possibilité de transférer
l’accueil des 2/3 ans sur les structures pré-scolaires
revient en force.

Encore une fois, derrière ces projets, apparaît une
double logique :
Une logique de réduction des dépenses
publiques, de dégradation des conditions
de travail et de salaire.

L’État, et en particulier l’Éducation Nationale,
voit dans la disparition des petites et moyennes
sections la possibilité de réduire le nombre de
fonctionnaires.

Le transfert de charge sur les collectivités territoriales
induit par la création de ces jardins
d’éveil est aussi une aubaine pour l’État. En
revanche, c’est une catastrophe pour les communes
ou les conseils généraux, d’autant qu’ils ne
sont pas tous armés de la même manière pour
faire face à la demande. Peut-on comparer les
moyens du conseil général des Hauts-de-Seine à
celui du Tarn ?

Le coût d’une année dans un jardin d’éveil est
évalué à 13500 euros par la cour des comptes
quand il est de 4500 euros seulement en école
maternelle. Alors, pour assumer cette charge, certaines
collectivités locales s’engouffrent dans la
brèche ouverte par le chômage de masse et la précarité.
Ainsi la mairie de Marignane qui a décidé
de se lancer dans l’expérience des jardins d’éveil,
recrute-t’elle des personnels de la petite enfance
dans leur grande majorité sur des temps incomplets.
Quand on connaît les grilles de salaires de
ces agents, on a de quoi s’interroger sur leurs
conditions d’existence.

Mais le plus inquiétant c’est que, dans la plus
grande indifférence, les gesticulations de Nadine
Morano portent leurs fruits. Des collectifs
comme "Pas de bébés à la consigne" ont tenté
d’alerter et de mobiliser l’opinion publique en
2010 mais sans grand succès. Les statuts des personnels
de la petite enfance ont été revus à la
baisse : réduction du temps de formation, élévation
du taux d’encadrement des assistantes
maternelles et des crèches. Le terrain est dégagé
pour récupérer les enfants qui ne pourraient pas
être scolarisés faute de places. La direction des
Politiques Familiales et Sociales est explicite à ce
sujet. Le 29 septembre, une lettre circulaire
s’adresse aux directeurs des caisses d’Allocations
Familiales, leur demandant de mettre en oeuvre :
"les services d’accueil des enfants de moins de 6
ans", (les jardins d’éveil), "solution nouvelle (et
payante) proposée aux familles pour améliorer la
conciliation entre leur vie familiale et leur vie professionnelle"
 ! Certes le texte indique "qu’ils
n’ont pas vocation à se substituer à l’école maternelle",
mais voici ce qu’il dit également : "ils
s’inscrivent dans une continuité de l’accueil
depuis la naissance jusqu’à la scolarisation", le
Décret n° 2010-613 du 7 juin 2010 précise
même que "cet établissement accueille des
enfants de 2 ans ou plus en vue de faciliter leur
intégration dans l’enseignement du premier
degré". Et pour ceux qui douteraient de la volonté
de les mettre en concurrence avec l’école, voici ce
qu’on peut y lire : "l’offre d’accueil proposée doit
s’appuyer sur une ouverture annuelle et journalière
conséquente supérieure à celle offerte par l’école
maternelle".

Dans le même temps, le contexte de suppression de
postes est très défavorable à l’école maternelle qui sert
de variable d’ajustement aux situations les plus tendues.
Certains inspecteurs d’académie ont beau
s’en défendre et déployer des trésors de démagogie
et de cynisme, la maternelle est en péril. Les
conditions d’accueil se dégradent et frisent l’indécence.

On ne peut pas prétendre à un enseignement
de qualité en maternelle quand les effectifs
de certaines classes dépassent allègrement les
trente élèves. L’existence, dans les inspections d’académies,
de cellules dévolues à la maternelle est, au
mieux un cache-misère, au pire un cabinet d’audit
sur la gestion des ressources humaines.

Or, les très décriées (souvent à juste titre) études
PISA montrent néanmoins l’importance de
l’école maternelle en matière de réduction des
inégalités scolaires. Là aussi, l’entreprise idéologique
fait son ouvrage et discrédite l’école maternelle
en tant que véritable lieu d’apprentissages.

Un enjeu de société :
la place des femmes
et leur autonomie

Ensuite, on peut affirmer sans détour que l’assouplissement
des conditions d’accueil de la petite
enfance va immanquablement peser sur le travail
des femmes : la rigidité des a priori, les conditions
d’emploi des femmes déjà fortement dégradées
par rapport aux hommes (salaires/statuts) ne
vont pas s’en trouver améliorées. Les statistiques
sont formelles et montrent de manière
récurrente que, dans un foyer, si l’un des deux
parents doit mettre en suspens ou abandonner sa
carrière, il s’agit trop souvent des femmes dont
l’absence de salaire pèsera d’autant moins dans le
budget familial qu’il est souvent inférieur à celui
de son conjoint.

Enfin, la problématique des jardins d’éveil se lie à
la casse des services publics et de ses conséquences
sous un angle inattendu mais pourtant redoutable.
En effet, ce sont dans les services publics que la
présence des femmes est la plus importante. Or,
ce double mouvement de tarissement de l’école
maternelle, de privatisation des structures d’accueil
combiné avec le démantèlement du secteur public,
portera atteinte à la condition féminine. La lutte
à engager doit aussi l’être sur ce terrain car c’est
véritablement un choix de société qui est en train
de nous être imposé.