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Rythmes scolaires : le serpent de mer
Article publié le 13 décembre 2010

A l’instar d’un gouvernement qui multiplie les opérations
de communication pour masquer les problèmes
sociaux, le ministère de l’éducation nationale s’active pour
donner le change. Les réformes engagées au lycée ou
dans le primaire ont largement dégradé les conditions
de travail et d’enseignement, le démantèlement de la
formation initiale est bien le fiasco annoncé. Dans un
contexte de contestation et de dégradation du système
éducatif la conférence sur les rythmes scolaires est une
occasion inouïe de faire diversion.

Il n’est pas sûr qu’il ressorte grand-chose de cette
nouvelle grande esbroufe. Pour rappel, on trouve dans cette
commission un ancien recteur, un haut fonctionnaire
européen, un spécialiste de la violence scolaire, un exsecrétaire
d’Etat à la Jeunesse et aux Sports. Et même,
un cadre dirigeant à la SNCF, la présidente du
Centre des monuments nationaux ou un directeur de
Sciences Po parallèlement responsable
des études à l’Institut Montaigne. En tout, 27
personnes, issues de tous les champs, y
compris économique et touristique,
puisque, comme l’a souligné le ministre
de l’Éducation nationale "aujourd’hui,
l’école rythme toute la société".

Issues de tous les champs vraiment ? Et
bien non ! Car dans cette commission,
aucune trace de représentant de parents
d’élèves ou de syndicats d’enseignants.

À part un nouveau déballage démagogique,
le ministère de l’éducation n’a rien à
offrir, au risque de contredire les réformes
qu’il a lui même initiées.

Comment poser la question des rythmes
scolaires quand, pour satisfaire son
électorat, l’UMP a mis fin à l’école le
samedi et que les enseignements ont été resserrés sur
quatre jours ?

Cependant, nous sommes persuadés qu’une vraie
réflexion sur ce sujet s’impose car la situation actuelle,
héritée des décisions prises par les ministres successifs
souvent contre l’avis des personnels chargés de les
mettre en oeuvre, ne peut nous satisfaire.

Les rythmes scolaires actuels
sont totalement inadaptés

Aujourd’hui, le temps de classe à l’école primaire est
de quatre jours de six heures par semaine et les vacances
sont soumises au zonage. A ces six heures, s’ajoutent
pour les enfants en difficulté, deux heures d’aide
personnalisée par semaine, voire pour les CM des stages
sur le temps des vacances.

Des journées trop longues pour les enfants
6h de classe + ou 1h30 d’aide personnalisée + garderie
du matin, voire du soir et cantine. Certains enfants ont
une amplitude journalière de 10h dont 6h 1/2 de
classe et ce, quel que soit leur âge (5 ans ou 10 ans).

La journée est d’autant plus longue que le passage
de 26h de classe à 24h ne s’est pas traduit par un
allègement des programmes, bien au contraire. Nous
avons perdu l’équivalent de 3 semaines de classe (72h)
et les matières à enseigner n’ont cessé d’augmenter
(informatique, anglais, histoire de l’art). Le contenu
même des programmes s’est alourdi. L’enfant est
donc « pressuré » au maximum avec très peu de
temps de « respiration ».

Et comme la journée de classe ne suffit plus pour
emmagasiner les programmes, il existe, malheureusement,
une tendance très nette à une augmentation du travail
demandé à la maison.

Dans le second degré, la fermeture de la plupart des
établissements le samedi matin, pour les mêmes
raisons déjà évoquées, se traduit par une amplitude
journalière augmentée. En lycée, les innovations
introduites par la réforme de la classe
de seconde, avant celles concernant
première et terminale, compliquent
l’élaboration des emplois du temps et
augmentent le temps de présence sans
cours dans les établissements, sans que
ceux-ci soient adaptés à les recevoir
(locaux, effectifs dans les vies scolaires
insuffisants). S’ajoutent les temps de
transport scolaire pour les lycées et les
collèges des zones rurales. Ainsi il est
fréquent de voir un adolescent quitter
son domicile dès 7h 00 pour y revenir 12
heures plus tard !

Ainsi les élèves sont de plus en plus
fatigués à mesure que le trimestre se
déroule, par exemple en novembre au
cours d’un « trimestre de quatre mois »
le plus long de l’année. Et cette fatigue est source de
démotivation, de mise en difficulté des plus fragiles
notamment.

Des journées trop longues pour les personnels
Outre le temps de classe, les personnels enseignants
doivent gérer l’aide personnalisée et les réunions diverses
(conseil d’école, conseil de cycle, conseils des maîtres,
équipes éducatives, … ), elles aussi réparties sur quatre
jours. De même, recevoir les parents devient un véritable
parcours du combattant pour trouver des créneaux
compatibles à tous. La préparation de classe a lieu le
week-end et le soir après 20h pour un personnel
composé en grande majorité de femmes.

Les personnels dépendant des collectivités territoriales se
sont vus imposer des horaires encore plus contraignants
avec la suppression du samedi matin. Les ATSEM par
exemple, perdant le samedi matin ont dû compenser
par des heures de ménage ici ou là. Elles sont présentes
le matin pour l’accueil des enfants, elles enchaînent le
midi avec la cantine (une pause d’1/2h pour déjeuner),
elles reprennent l’après midi pour terminer souvent
avec des heures de ménage après la classe.

Un rythme hebdomadaire morcelé et
des rythmes sociaux incompatibles

Dans les faits les enfants ont deux fois deux jours
d’école. Le reste du temps, les conditions de vie et de
travail des parents font que les enfants voient leur
rythme sommeil/activité sensiblement modifié -
empilement d’activités, coucher tardif... - Les difficultés
sociales frappant les familles amplifient ces difficultés.
Nombres d’emplois sont précaires avec des horaires
morcelés sur la journée ou sur la semaine.

La précarité impose parfois des horaires très tôt le
matin et très tard le soir, le week-end. Le chômage de
nombreux parents est aussi (et entre autres) un obstacle
à la régularité du rythme de vie de l’enfant. Comment
établir un rythme journalier et
hebdomadaire régulier pour
les enfants si les adultes ont
des contraintes de plus en plus
inhumaines ? Enfin la multiplication
des familles recomposées
amplifie ce phénomène.

Les parents n’ayant la garde de
leurs enfants que partiellement
cherchent à profiter pleinement
de ces derniers et multiplient
déplacements, activités, soirées
tardives devant la télévision…

Quant aux adolescents, les
emplois du temps déjà évoqués cumulés à la nécessité
de fournir un travail en autonomie à la maison sont
sources de manque de sommeil et de difficultés à gérer
cette autonomie, et donc d’échec scolaire pour les plus
fragiles.

Il est clair que les mauvais rythmes scolaires ont à voir
avec l’état de notre société.

Dans tous les métiers, la productivité et les nouvelles
méthodes de management génèrent du stress.

Comment rétablir un rythme de vie sain pour les
enfants sans s’atteler à celui de leurs parents, de leurs
enseignants ou des personnels intervenants ?

Un rythme annuel sans cohérence

Sur l’année, le rythme de sept semaines de classe suivies
de deux semaines de vacances a été mis en place et
semblait convenir au plus grand nombre. Mais le zonage,
que le lobbying des professionnels du tourisme a
permis d’imposer, a mis fin à cette régularité et élèves
et enseignants subissent désormais des périodes
d’activités qui peuvent aller de 5 semaines à 12 semaines.
Quant aux vacances de toussaint, celles qui sont au
coeur du trimestre le plus long, elles durent normalement
10 jours, ce qui est insuffisant pour que les élèves puissent
réellement optimiser ce temps de repos.

Améliorer les rythmes scolaires et les
conditions de travail des enseignants

Il serait temps de poser enfin le problème du temps de
travail des professeurs des écoles. Qu’est-ce qui justifie
qu’ils aient plus d’heures devant élèves à faire qu’un
professeur du second degré ?

18 h devant élèves, du temps de concertation pour un
véritable travail d’équipe, pour prendre le temps de
mettre en place des solutions adaptées aux difficultés
de nos élèves : voilà aussi une façon d’améliorer les
rythmes scolaires. Cela nécessiterait évidemment une
autre organisation de l’école avec plus de maîtres que
de classe.

Hors du personnel formé en nombre suffisant ce n’est pas
la tendance actuelle. Il n’ y a plus de formation initiale
et la formation continue est réduite à peau de chagrin.
Les suppressions de postes mettent en péril les remplacements,
les personnels spécialisés du rased et l’école
maternelle.

Pressions hiérarchiques génératrices de stress, de
culpabilité sont devenues des moyens de plus en plus
employés par la hiérarchie
pour masquer les effets
dévastateurs des suppressions
de poste et de la disparition de
la formation …Ainsi au
constat de l’aggravation de la
détérioration des conditions
d’enseignement, la hiérarchie
renvoie les enseignants à leur
efficience parce ce que ce qui
compte : « c’est la qualité
plutôt que la quantité » .Ce
mode de gestion génère et
accroit la souffrance au travail
des enseignants. Comment donner aux enfants un
cadre favorable aux apprentissages si les personnels
sont en souffrance ?

… Et celui des autres personnels
intervenants

Nous accueillons des enfants reconnus handicapés mais
le seul accompagnement prévu est celui de personnel
plein de bonne volonté mais sans formation, payé à
coups de lance-pierre et jetable au bout de deux ou
trois ans !

Toute modification du rythme scolaire a des conséquences
inéluctables sur les personnels ATSEM, de
cantine, de garderie ou d’encadrement du temps
périscolaire (centre de loisir, CLAS, aide aux leçons,
associations sportives, transports). Ce personnel qui
joue un rôle fondamental dans le bien-être de l’enfant
à l’école est de moins en moins en mesure d’accomplir
ses missions car la peur des chefs et une aggravation
des conditions de travail génèrent stress et souffrance au
travail. Ce personnel a en effet à jongler entre l’employeur,
le directeur de l’école et l’enseignant de la
classe et constitue trop souvent malheureusement « le
petit personnel invisible ».

Ces missions sont confiées aujourd’hui, soit aux collectivités
territoriales soit à des associations. Il est donc
fondamental d’envisager une véritable concertation
avec ces partenaires.

Le problème du financement ne peut être laissé de côté
car l’Etat se désengage de plus en plus tant des structures
d’éducation populaire que des missions de prise en
charge des difficultés (RASED, médecine scolaire).

Deux solutions : soit les collectivités territoriales peuvent
financer mais cela implique des inégalités territoriales
importantes, soit on tombe dans le domaine privé où
ce sera à l’usager, aux parents de payer.

Le zonage des grandes vacances

Un des risques serait de proposer un zonage des grandes
vacances ce qui serait sûrement du goût des professionnels
du tourisme qui verraient leurs saisons s’étaler
de juin à septembre. Mais qu’adviendrait-il alors des
examens nationaux ? Le projet ne serait-il pas dans le
cadre de la réorganisation de l’Etat autour des régions,
d’aller vers une autonomie des régions, des établissements
y compris en terme d’examens type Brevet ou Bac ? On
voit tout de suite la mise en concurrence des régions
entre elles avec ses corollaires de mise en concurrence
des personnels, des établissements, des élèves, le tout
dans une logique du chacun pour soi et mieux vaut
être riche et bien portant que pauvre et malade.

En conclusion :

Remettre à plat les rythmes scolaires engage une
réflexion et des investissements qui se déclinent dans
tous les compartiments de la société : besoins des
enfants, conditions de travail des enseignants, temps
de travail des parents, disponibilité des collectivités
locales qui souvent ont la charge du temps périscolaire
et des infrastructures. Mais cela nécessite une vraie
réflexion et un vrai dialogue avec les acteurs de la communauté
éducative.

Cependant, il est clair que le gouvernement n’entend
pas du tout poser le débat dans ces termes :

- Aucun bilan des expérimentations passées ou en
cours, des décisions prises par les ministres successifs,
souvent contre l’avis des personnels chargés de les
mettre en oeuvre, n’a été tiré, alors que par ailleurs la
majorité gouvernementale voue un véritable culte à
l’évaluation.

- Durant toutes les consultations ministérielles
antérieures sur ce sujet, ni les associations de parents,
ni les enseignants n’ont été conviés à participer au
comité de pilotage.

- Le calendrier fixé à cette occasion a été resserré,
imposant une précipitation incompatible selon nous
avec une vraie réflexion ?

Enfin comment s’imaginer que ce « débat » puisse
amener à des décisions allant dans le sens d’un progrès
pour l’école quand il se tient dans un contexte de
suppression massive de postes d’enseignants, de
conseillers d’orientation psychologues, des personnels
spécialisés dans le primaire, de psychologues scolaires, de
personnels de vie scolaire, de personnels administratifs…
il est bien difficile de croire qu’en période de rigueur les
fonds nécessaires à cette révolution seront débloqués
par l’Etat. Les collectivités locales déjà étranglées par les
transferts de charges engagés par les politiques de
décentralisation ne pourront pas non plus assumer ce
fardeau.

L’enjeu est donc important ; nous proposons aux
personnels de s’emparer de ces questions en continuant
à se mobiliser pour la défense de l’Ecole Publique. Et
c’est parce que cet enjeu est important que nous refusons
de cautionner cette pseudo-consultation dont l’unique
objectif est de justifier des décisions motivées par une
politique de rigueur pour l’école et plus largement
pour les services publics.