SUD Éducation 77

Accueil > Actualité > ECOLE, HALTE A LA PENURIE !

ECOLE, HALTE A LA PENURIE !

dimanche 30 mars 2008

Le Monde du 28 mars 2008

La baisse des recrutements de professeurs dégrade la qualité de
l’enseignement Par Bernard Calabuig, membre de l’exécutif national du
PCF ; David Cormand, membre du collège exécutif des Verts ; Eric
Freyssingeas, maître de conférences à l’ENS Lyon ; Henri Garric, maître
de conférences en littérature comparée à l’ENS Lyon ; Hervé Gayvallet,
Arlette Laguiller, porte-parole de Lutte ouvrière ; Jean-Luc Mélenchon,
sénateur socialiste de l’Essonne, ancien ministre de l’enseignement
professionnel ; Cédric Mulet-Marquis, agrégé préparateur à l’ENS Lyon ;
Patrick Rigord, professeur agrégé à l’ENS Lyon ; Christophe
Winisdoerffer, maître de conférences à l’ENS Lyon.

Le nombre de postes ouverts aux concours de l’enseignement secondaire en
2008 a été officiellement annoncé, il y a trois mois. La tendance des
dernières années se confirme à nouveau : le nombre de postes offerts
diminue fortement. Par rapport à 2007, la baisse est de 15 % dans
l’enseignement général (1 176 postes en moins aux agrégations, Capes et
Capeps) et de 11 % dans l’enseignement professionnel (182 postes en
moins aux Capet et Caplp). Les chiffres de 2008 sont encore plus
accablants si l’on regarde l’effet à long terme des baisses successives
 : depuis 2002, la diminution est de 46 % (5 608 postes en moins) pour
les concours de l’enseignement général et de 63 % (2 565 postes en
moins) pour ceux de l’enseignement professionnel.

Le gouvernement actuel, comme d’autres avant lui, se flatte de vouloir
faire de la maîtrise du français, du calcul et l’apprentissage d’une
langue étrangère les priorités de l’école. Or ces disciplines sont loin
d’être épargnées par la diminution des recrutements. En lettres
(modernes et classiques) dans l’enseignement général, la baisse du
nombre de postes mis aux concours est de 46 % (863 postes en moins aux
agrégations et Capes) entre 2002 et 2008. Dans l’enseignement
professionnel (bivalence lettres et histoire), la baisse est de 52 %
(227 postes).

En mathématiques, sur la même période, le nombre de postes offerts
diminue dans l’enseignement général de 27 % (387 postes), et dans
l’enseignement professionnel (bivalence mathématiques et physique) de 58
% (268 postes). En anglais, les baisses obtenues sont de 30 % (459
postes) dans l’enseignement général et de 80 % (282 postes) dans
l’enseignement professionnel (bivalence anglais-lettres). Il paraît donc
osé de présenter ces trois matières comme des priorités. Les autres
disciplines subissent le même sort, avec des baisses de l’ordre de 40 %.
Quant aux personnels non enseignants (surveillants, médecins, Iatoss,
par exemple), nécessaires au bon fonctionnement des établissements
scolaires, ils ont connu des réductions d’effectifs aussi drastiques.

Appartenant à des familles politiques variées, exerçant des métiers
différents, nous nous alarmons aujourd’hui publiquement devant la
gravité de la situation. Ce mouvement à marche forcée ne nous paraît pas
compatible avec l’obtention d’un haut niveau d’instruction pour tous,
une priorité pourtant affichée. Peut-on en toute bonne foi prétendre à
un enseignement de qualité quand les disciplines enseignées
disparaissent les unes après les autres ? Peut-on raisonnablement dire
que l’on veut favoriser l’apprentissage des langues étrangères quand les
groupes dépassent souvent trente-cinq élèves ? Prétendra-t-on enrayer la
désaffection pour les sciences quand la taille des groupes de travaux
pratiques rend difficile toute manipulation par les élèves ?

La réduction du nombre de fonctionnaires comme horizon indépassable de
toute politique est un choix, pas une nécessité. Affirmer le contraire
serait mensonger.

Ce choix, dans l’éducation, n’est pas compatible avec l’existence d’un
enseignement public de qualité. Nous voulons que chacun prenne
conscience qu’il ne subsistera bientôt plus qu’un enseignement public
délivrant une instruction minimaliste, dans les contenus et dans les
horaires, et se déroulant dans des conditions peu favorables à
l’apprentissage des savoirs. La promotion sociale par l’école, et la
formation de citoyens éclairés n’en seront plus les objectifs. Pour que
l’éducation nationale remplisse ces missions, il faut lui en donner les
moyens.

Il appartient à chacun de faire son choix en conscience : veut-on que
tout le monde bénéficie gratuitement dans les écoles publiques d’un
enseignement d’excellence, ou bien accepte-t-on que cet enseignement ne
profite qu’à ceux qui auront les moyens de se le payer dans les écoles
privées ? Nous souhaitons que chacun pèse les conséquences à long terme
des choix politiques actuels. Il s’agit maintenant de savoir quelle
école nous voulons pour nous et nos enfants.