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Lettre de l’ag des personnels du lycée Jean Macé pour la venue du recteur
Article publié le 8 novembre 2008

M. Le Recteur,

Les enseignants du lycée Jean Macé de Vitry tiennent à manifester leur profond désaccord avec la « réforme » du lycée annoncée pour la rentrée 2009 ainsi qu’avec un certain nombre de mesures prises ou à venir.

La « réforme » des lycées

Cette prétendue « réforme » nous paraît devoir être qualifiée de contre-réforme, dans la mesure où, loin de poursuivre la démocratisation de l’enseignement, elle constitue une régression préjudiciable à la majorité des élèves de France.

Une « réforme » précipitée

On peut s’interroger sur la précipitation avec laquelle la « réforme » nous a été imposée. Quelques mois suffisent-ils à concevoir et mettre en œuvre un changement si radical, quand des années de concertations et d’expertise ont été nécessaires pour réformer la section STT en STG ? (Etait-ce d’ailleurs la peine de créer cette filière pour la supprimer aussitôt, et les réformes doivent-elles se suivre sans jamais construire dans la durée ?) Quand serons-nous officiellement informés des modalités pratiques (horaires, programmes…) de cette rentrée que les proviseurs sont supposés pouvoir préparer dès aujourd’hui ? Sera-ce après la rentrée ?! Se rappelle-t-on que les professeurs préparent des cours en fonction d’un programme, ou s’agit-il désormais d’une activité de garderie ne nécessitant plus aucune préparation ?

Comptabilité ou pédagogie ?

Une année scolaire en miettes

Ce que nous savons : l’année scolaire en tant que telle doit être remplacée par des semestres, au cours desquels les élèves suivent des modules.
N’importe quel enseignant a fait l’expérience d’une réalité simple : c’est la durée qui permet la construction solide du savoir et des méthodes. Une année scolaire permet d’instaurer progressivement une confiance entre chaque élève d’une classe et son professeur ; cette confiance est intimement liée à la progression de l’élève (elle en est successivement cause et conséquence tout au long de l’année). L’organisation en « semestres » (de quatre mois…) briserait le cycle de l’apprentissage dans la durée si les enseignants venaient à changer d’un semestre sur l’autre, ce qui sera nécessairement le cas pour les enseignements modulaires.

Une classe en miettes

Ce que nous savons : du fait de la nouvelle répartition en module, il n’y a plus de groupe classe (du type 3e4, 1ère ES2, etc.) Les élèves ne sont plus avec les mêmes camarades et les mêmes enseignants toute l’année.

Pour les parents, les élèves et les enseignants, la classe est le cadre légitime de l’apprentissage. Le groupe classe permet le travail en équipe des professeurs et par conséquent une interdisciplinarité dans la transmission des savoirs et des méthodes. Les liens affectifs qui se tissent entre les élèves d’une classe et avec les professeurs sont autant d’horizons divers pour la construction de la personnalité des adolescents. En somme, la classe permet un apprentissage citoyen de la place dans le groupe pour des adolescents en recherche de repères.

Les profs marchands, l’élève consommateur

Ce que nous savons : c’est l’élève qui choisit les modules ne bénéficiant pas de l’étiquette (arbitraire) « enseignement fondamental » ; ce ne sont plus les adultes qui décident de ce qui constitue un ensemble d’enseignement cohérent pour l’élève.
Les élèves auraient la possibilité de choisir des enseignements sans l’exigence d’une cohérence pédagogique. Parallèlement, si une matière (exigeante et formatrice) fait peur aux élèves, elle finira par être supprimée en raison du peu d’élèves qui la choisissent. La dérive est facile à imaginer : elle est induite par ce système. N’amène-t-on pas les enseignants à « se faire la guerre » pour garder les élèves ? Un enseignant osera-t-il dire à un élève que son devoir du jour n’est pas correct, de peur de vexer l’élève et le voir fuir sa matière ? Eduquer, c’est aussi parfois contraindre : l’adulte doit parfois déplaire à l’adolescent, marquer des limites. Les psychologues affirment que les limites raisonnables et bien expliquées, loin d’être néfastes à l’élève, le rassurent et l’aident à se construire. Le libre choix de la matière (et donc de l’enseignant…) par l’élève risquerait de le placer en situation de consommateur. Un adolescent est-il en mesure de déterminer les savoirs qui seront nécessaires à sa vie future (professionnelle et citoyenne) ? On peut aller plus loin : ce sont les élèves les plus fragiles qui risquent le plus d’être victimes de ce système. Les élèves des milieux favorisés seront pour leur part très encadrés dans leurs choix par leurs parents…

D’autres mesures controversées…

Suppressions de postes

Il est vrai que la « réforme » permettrait de faire l’économie d’un grand nombre d’enseignants, nous ne pouvons le nier. Toutefois il nous semble que les enseignants sont nécessaires à la réussite de nos élèves. A vrai dire, même en réfléchissant beaucoup, nous ne parvenons pas à comprendre comment la diminution du temps passé avec les élèves est de nature à augmenter leurs apprentissages.
Est-il bien judicieux de continuer à supprimer des postes (comme cela a été fait l’année dernière) alors qu’une prétendue amélioration de l’enseignement est prévue ?

Bac pro 3 ans

Pourquoi généraliser un dispositif expérimental tel que le BAC Pro en 3 ans ? En effet, il se suffit de se référer au rapport de l’Inspecteur Prat pour constater que ce dispositif n’est en aucun cas un remède miracle à tous les « maux » dont souffre le lycée professionnel. D’autant que les BEP étaient pour bon nombre d’élèves des diplômes à la fois valorisant et professionnalisant : ils leur offraient des débouchés dans une poursuite d’étude adaptée mais aussi dans des formations professionnelles reconnues, comme par exemple le BEP STMS.
Faut-il nous répéter tant la chose est évidente ? La seule justification que nous voyons à cette réforme imposée est la réduction des postes.

Nous vous prions de croire, Monsieur le recteur, à notre indéfectible attachement aux valeurs d’une école au service de tous.
Vive le service public !

Lettre au recteur