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Professeur stagiaire : quand l’organisation du travail fait mal !
Article publié le 28 février 2011

Le quotidien de ces professeurs : pas de formation,
aucun temps pour réfléchir et avoir du recul sur leur
pratique, une accumulation de réunions en plus des
heures de classe... Et l’impression diffuse de "mal faire
leur travail" en plus d’être sur le fil du rasoir avec la
pression de l’évaluation/inspection dont, quoiqu’en
dise l’institution, même les formateurs ont du mal à en
définir les critères.

Avec la réforme de la masterisation, il s’agit pour le
gouvernement d’entraîner l’organisation du travail des
enseignants dans le virage managérial entrepris par
l’éducation nationale depuis déjà plusieurs années.

Cette organisation est génératrice de stress et de souffrance
pour l’ensemble de la communauté éducative et pour
les professeurs stagiaires en particulier parce qu’elle est
basée sur la prescription de comportements normatifs
et l’obligation de résultats, réduisant le rôle des enseignants
à l’inoculation de "savoirs" (les programmes
rétrogrades de 2008) à des "apprenants" dont les évaluations
normées garantissent l’acquisition de compétences
incontournables.

Ces entraves voulues par l’institution ont des conséquences
néfastes sur les conditions de travail des enseignants,
sur l’enseignement qu’ils dispensent, leur rapport
à leur métier et leur valorisation de ce dernier parce
qu’elles empêchent le métier d’enseignantμ (1).

Les enseignants stagiaires se retrouvent au coeur des
contradictions inconciliables d’une organisation du
travail, qui ne délivre pas les ressources dont les enseignants
ont besoin pour faire un travail de qualité, ni
même pour déterminer en quoi consiste le métier
d’enseigner dans une institution qui, soucieuse de
promouvoir les "bonnes pratiques", dépossède les
enseignants de leur travail en combinant accumulation
de prescriptions et saupoudrage d’heures de formation
hors classe pour l’analyse de pratiques professionnelles qui
sont censées incorporer les contraintes et les expériences
du terrain. Elle masque l’indigence de la formation
qu’elle propose en ignorant totalement la difficulté
première à laquelle se heurtent les enseignants dans
une classe : "la mobilisation des élèves pour les
apprentissages".

Au contraire, elle en individualise les responsabilités
quand elle enjoint les enseignants à un engagement
d’eux-mêmes qu’ils pourront optimiser grâce au
sésame qu’elle lui délivre et à ses recettes consignées dans
le DVD Tenue de classe, la classe côté professeur .
Comme si enseigner n’était qu’une question d’engagement
(le savoir être dans le langage managérial) subordonnée
à un savoir-faire dans un climat de suspicion
permanent (2).

Face aux situations de stress et de souffrance générées
par cette organisation du travail pathogène qui ne
concerne pas que les enseignants stagiaires (mais dont
la situation est emblématique) comment réagir ?

Les propositions de la fédération Sud éducation
En considérant l’ensemble de ces contre-réformes
dont la mise en situation d’enseigner de stagiaires non
préparés, le Conseil Fédéral propose les démarches
suivantes pour armer les équipes militantes :

* Après adaptation du courrier ci-contre, le donner
aux chefs d’établissement lors d’un Conseil
d’Administration, par exemple.

* Écrire dans les cahiers CHS (CT) [Comité Hygiène
et Sécurité - Conditions de Travail] les situations dans
lesquelles des collègues s’estiment en difficulté (arrêt
de travail, mal-être, fatigue, souffrances diverses, etc.).
L’administration sera informée, donc obligée de trouver
des solutions.

* Conseiller à chacune ou chacun s’estimant en
danger (pétage de plombs, fatigue, etc.) de se retirer de
cette situation en allant voir son médecin et en lui
demandant un arrêt de travail sous qualification
d’ "accident de travail".

Pourquoi ? Depuis quelques années, la cour de cassation
a considéré que les blessures psychiques peuvent être,
au même titre que les blessures physiques, des motifs
d’arrêt de travail. Lors du retour dans l’établissement
après un accident du travail, le médecin du travail, ou
de prévention dans l’Éducation nationale, convoque
systématiquement la personne.

* Accompagner la personne chez le médecin de
prévention et lui rappeler que la loi l’oblige à proposer
un plan de prévention à l’employeur pour éviter le
renouvellement d’un arrêt de travail.

Rappelons que le médecin, de par la loi, ne peut proposer
que des solutions allant dans l’intérêt exclusif du salarié
(Code du Travail, D82-453 du 28 mai 82 et suivants).
Si l’employeur, (rectorat, inspection académique),
refusait le plan de prévention proposé par le médecin,
par exemple consistant à aménager des décharges
horaires ou autres, il doit obligatoirement s’en expliquer
soit par écrit, soit dans les instances locales, départementales
ou académiques.

Enfin, rappelons que la politique actuelle de contreréformes
dans l’Éducation nationale, amène une gestion
globale (un "management") se rapprochant de plus en
plus de ce qui s’est passé à France Télécom, chez
Renault, etc.

Or, suite à des suicides, les juges ont condamné ces
méthodes (jugement de décembre 2009). Il serait
dommage de constater que nous n’utilisions pas les
attendus des jugements rendus, à savoir que ces
méthodes sont condamnées. Le rappeler à nos décideurs,
c’est les obliger à reculer sur ce terrain… Sauf à prendre
le risque d’être à leur tour condamnés.

Les personnels de l’établissement (ou le syndicat)

à Madame/Monsieur le Chef d’établissement,

Objet : Conditions de travail

Copie à : parents d’élèves, CHS-CT [2], presse locale
Madame/Monsieur,

Nous pensons que les conditions de travail dans cet établissement (et d’autres), peuvent générer
beaucoup de mal-être voire des risques psycho-sociaux.
Nous vous alertons officiellement car il vous incombe de mettre en place les moyens pour les éviter.

La santé des personnels de cet établissement vous est confiée de par la loi et confirmée par les textes s’y
référant (Décret 82-453 du 28/05/82).

Vous devez tout mettre en oeuvre pour la préserver :

- par des visites médicales à l’aide des personnels de santé, pourtant maintenus en sous-effectif.

Rappelons que la visite médicale proposée par l’IRSA n’a pas valeur de visite médicale du travail,

- par des réponses aux questions posées dans les cahiers CHS-CT,

- par l’organisation de la prévention des risques professionnels notamment à l’aide du Document Unique
dans lequel nous entendons que les risques psycho-sociaux figurent en bonne place…

Des causes externes et internes à l’établissement ont été dénoncées par les personnels. Elles portaient
sur la question générale de l’organisation du travail dans l’établissement :
(exemples vécus essentiellement dans le 2nd degré… à adapter, notamment pour le 1er degré)

- des moyens insuffisants diminuant les possibilités de dédoublement des classes pour les élèves
difficiles ou en difficulté ;

- la suppression des RASED ;

- l’accueil de stagiaires dans des conditions inacceptables (absence de formation, suivi, etc.) ;

- une répartition de ces moyens ne permettant pas à tous les élèves d’avoir les heures de cours
pour se présenter à l’examen ;

- des référentiels et des règlements d’examen non précisés à quelques mois des épreuves ;
- des formes de " menaces " incitant les enseignants à changer d’emploi (enquêtes sur les projets
personnels d’avenir professionnel) ;

- des mutations " imposées " vécues comme arbitraires, discutées entre chefs d’établissement sans
qu’aucune commission paritaire de représentation des personnels ne soit consultée ;

- des inspections culpabilisant les enseignants voire attentatoires à leur santé morale par le stress
qu’elles peuvent engendrer ;

- des heures supplémentaires en grand nombre, proposées et reproposées. Qui ne comprendrait
pas qu’il s’agit là d’une pression pour les accepter ?

- mise en place de conseils pédagogiques visant à contourner les représentations des personnels,
par les aspects parcellaires de la réflexion sur les conditions de travail des équipes ;

- des sous-effectifs chroniques (tous personnels) ;

- des dépassements " d’heures normales de travail " (conseils de classe et autres réunions de
travail) à tel point que des enseignants ne savent plus quand leur travail s’arrête ;

- des salles de cours peu ou pas insonorisées ;

- des machines outils interdites aux élèves de moins de 18 ans parce que hors normes de
sécurité, mais utilisables par tous, obligeant les enseignants à une surveillance constante. Quand
seront-elles remises aux normes ?

- des ateliers non nettoyés, dont certains avec des particules cancérigènes (bois et fer) ;

- l’obligation pour les personnels enseignants de demander leurs visites médicales périodiques du
travail pourtant de droit ;

- des visites de stagiaires avec des véhicules personnels.

Or :

- le croisement et/ou la conjonction de ces multiples facteurs peuvent avoir des conséquences dévastatrices
 : sentiment d’inutilité, de travail mal fait, d’épuisement en fin de carrière, stress, etc. ;

- nous déplorons des suicides d’enseignants dans nos académies.
La loi punit désormais les employeurs à l’origine de telles pratiques (mutations arbitraires, etc.) les
obligeant ainsi à modifier l’organisation du travail (France Télécom, Renault).

Les chefs de service ou "derniers maillons de la chaîne de commandement" que sont les IEN, les
Principaux, les Proviseurs, ont les mêmes obligations que celles de "l’employeur" au sens du Code
du travail. Cela est décliné dans les textes de la Fonction Publique par le Décret 82-453 du 28 mai 1982
et suivants.

Vous pourriez donc être tenuE de rendre des comptes en cas de détérioration de la santé des personnels
placés sous votre responsabilité.

Nous attendons de vous et de notre institution l’arrêt de ces méthodes d’organisation du travail et de gestion
des personnels préjudiciables tant à notre santé qu’au bon fonctionnement de l’Éducation nationale.

Nous vous demandons d’intervenir dans ce sens.

Nous vous prions de croire, Madame/Monsieur, en notre attachement au service public de l’Éducation nationale.