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Retraites 2010 fiche n°2:La fragilisation de notre système de retraite solidaire
Article publié le 9 mai 2010

Plus d’un siècle de progrès social des retraites…
1850 : quelques rares entreprises constituent un capital
pour la retraite des salariés qu’ils veulent
« fidéliser » : il faut rester dans l’entreprise pour
en bénéficier.

En avance, les compagnies privées de chemin de
fer veulent assurer la sécurité par du « personnel
qui s’y consacre sans préoccupation, qui possède la
certitude, lorsque l’âge ou les infirmités l’auraient
rendu impropre au service, de ne pas passer à la
misère ». Le salarié part à 55 ans (50 ans à la
conduite, métier pénible). Les compagnies
s’attachent le personnel, peu payé, par la
promesse d’une retraite, qui fait partie du contrat
de travail.

L’État crée une Caisse de retraite pour la
vieillesse. Le salarié se constitue un capital
rémunéré à un taux attractif. Des entreprises
complètent ou versent les cotisations.

1853 : régime de retraite des fonctionnaires

1910 : loi sur les retraites ouvrières et paysannes, mal
appliquée.

1930 : régime général des assurances sociales, par
capitalisation : le salarié investit dans les « fonds
de pension » et le niveau de sa pension est
déterminée par les spéculateurs.

1945 : le régime général de sécurité sociale, par
répartition, est mis en place pour le secteur
privé. Les actifs cotisent et versent aux
retraités sous forme de pension, dont le
niveau résulte d’une décision politique.

Avant 1945, des régimes « spéciaux »
offraient une meilleure protection. Ils sont
conservés, dans l’attente d’être rattrapés par
le régime général qui devait être amélioré…

1962 : mise en place d’un régime complémentaire
qui améliore la pension. ARRCO et
AGIRC, obligatoires en 1972, versent 54
milliards d’€ par an (en plus des 76 du
régime de base)

1972 : minimum de pension, garanti au salarié
ayant cotisé 37,5 ans

1983 : retraite à 60 ans pour tou(te)s. A cette
époque, le nombre de cotisants (en
millions) s’élève à 16,6 pour le privé, 2,3
non salariés, 4,3 fonction publique et 0,5
régimes spéciaux

La part des retraites dans le PIB ne cesse
d’augmenter : 5,4% en 1959, 7,3% en 1970, 11,7%
en 2000 et 12,1% en 2007.

… puis la régression sociale des retraites depuis 1993

Le Medef veut « détricoter » les acquis de 1945, le
programme du Conseil National de la Résistance qui
a mis en place une efficace protection sociale
échappant aux profits et organisant des solidarités. Il
s’y emploie avec l’appui du gouvernement.

Plusieurs contre-réformes remettent en cause le
système par répartition en le fragilisant. Elles ont été
imposées l’une après l’autre, en visant à chaque fois
une partie seulement des salariés afin de diviser pour
régner, d’éviter une réaction d’ensemble.
1993 : le privé avec les mesures Balladur.

- la pension est calculée sur les salaires des 25
meilleures années et non des 10 meilleures. Dans
les 15 années supplémentaires figurent des années
plus mauvaises tirant la pension vers le bas. Même
dans le cas d’une carrière étale, la pension baisse
car le salaire touché quelques dizaines d’années
auparavant vaut moins puisque revalorisé
seulement sur la base des prix, et non plus sur les
salaires (mesure mise en place dans les faits depuis
1987).

- passage de 37,5 ans à 40 ans de la durée de
cotisation pour une retraite à taux plein (50 % du
salaire annuel moyen) entre 60 et 65 ans. Il faut 40
ans de cotisation pour continuer à partir avec 50%
du salaire. Partir à 37,5 ans ne permet de toucher
que 46,87%, soit une perte de 6,25%.

- indexation des pensions sur les prix et non plus
sur les salaires. Cette mesure ne touche pas tout de
suite le jeune retraité, mais il ne profite plus d’une
solidarité entre pension et salaire. Petit à petit, sa
pension perd du pouvoir d’achat qui se cumule
avec le temps et s’élève à 20% sur 20 ans.

- décote de 10% par année manquante. De façon
transitoire, jusqu’en 2003, la durée d’assurance
pour une carrière complète reste fixée à 37,5
ans qui reste le seuil pour calculer le nombre
d’années manquantes dont chacune coûte 10% de
la pension ! En 2003, la décote sera ramenée à 5%,
mais s’appliquera aux années manquantes pour
arriver à 40 ans de cotisation.

Toutes ces mesures se cumulent : en moyenne elles
ont fait baisser les pensions de 20% le jour du départ
en retraite, puis la perte du pouvoir d’achat s’est
amplifiée avec la désindexation sur les salaires (ajout
de 20% de perte sur 20 ans).

En 1996, ce sont les régimes de retraites
complémentaires qui réduisent le nombre des
points accordés chaque année à leurs cotisants,
limitant par là même la retraite qu’ils leur verseront
plus tard. Ainsi en 1990, 100 F de cotisations à
l’ARRCO attribuaient un droit de 9,60 F (rendement
de 9,6 %) ; en 2009, 100 € de cotisation ouvrent un
droit de 6,60 € (rendement de 6,6 %). Le nombre de
points acquis par les salariés diminue, et la valeur
monétaire du point, indexée seulement sur l’indice
des prix, perd de la valeur. C’est la double peine :
moins de points et valeur du point en baisse.

En 1999, le rapport Charpin a calculé les
conséquences de cette contre-réforme en 2040 :
baisse de moitié du taux de remplacement des
pensions complémentaires.
Informations complémentaires :

- la soi-disant équité : les cadres supérieurs ont été
intégrés à l’AGIRC en 1991, avec le principe selon
lequel une même cotisation doit donner les mêmes
droits au niveau du Smic et à 8 fois le plafond de
Sécurité sociale, ce qui a instauré de fait un
transfert de fonds de l’ARRCO (régimes de tous les
salariés) vers l’AGIRC (les seuls cadres).

- AGFF : ces régimes complémentaires n’ouvrent
des droits qu’à 65 ans. Pour combler les 5 ans entre
60 (âge légal de départ, utilisé réellement dans le
privé) et 65 ans, une AGFF (association pour la
gestion du fonds de financement) s’est mise en
place. En 2009, pour 100 € de cotisations de
retraites complémentaires (incluant les cotisations
AGFF), le rendement était de 5,25 % pour un non
cadre gagnant 26 700 €, de 6,15 % pour un cadre
supérieur gagnant 200 000 €.
2003 : la fonction publique subit le même sort
que le privé en 1993 :

- passage de 37,5 ans à 40 ans de la durée de
cotisation pour une retraite à taux plein (75 % du
dernier salaire touché pendant au moins 6 mois)
entre 60 et 65 ans, applicable en 2008 (mise en
place progressive sur 5 ans). Certaines professions
(dites actives) maintiennent les départs à 55 ans.

Avec un calcul de la pension sur 37,5 ans, une
durée moyenne de cotisations de 37 ans (exemple
proche de la réalité) permettait d’obtenir 74% (37
ans x 2% apporté par chaque année travaillée).

Avec le calcul sur 40 ans, chaque année n’amène
plus que 1,875% (75% / 40 ans), et la pension ne
représente plus que 69,4% (37 ans x 1,875%)… et
59% avec la décote. Le passage à 41 ans en 2012
fera encore baisser la pension : chaque année
apporte 75/41 = 1,829% et la pension diminue à
67,7%... et 54,1% avec la décote, soit une de 27%
de la pension.

- indexation des pensions sur les prix et non plus
sur les salaires.

- décote de 5% par année manquante en 2015 (mise
en place progressive sur 10 ans)…

Et, pour tous les salariés : allongement
quasiment automatique de la durée de
cotisation en fonction de l’augmentation de
l’espérance de vie.

La loi impose le maintien du rapport, constaté
en 2003, entre les 40 ans de cotisations et les
22,39 ans d’espérance de vie (soit
40/22,39=1,8). Tous les 4 ans, l’évolution de ce
rapport est regardée et une décision
d’augmentation de la durée de cotisation est
imposée pour le maintenir constant. En 2008,
l’estimation qu’en 2012, l’espérance de vie après
60 ans serait à 23,74 ans (soit 1,35 an en plus par
rapport à 2003) a amener le gouvernement a
répartir le 1,35 an en 1 an de cotisation (qui
passe à 41 ans) et 0,35 an de plus de durée de
retraite. L’augmentation de l’espérance de vie a
été répartie en ¾ pour la durée de cotisation et
¼ pour la durée de retraite. Le même calcul
devrait conclure à une durée de cotisation de
41,5 ans en 2020.

2007 : les régimes spéciaux se rapprochent de la
fonction publique.

- passage de 37,5 ans à 40 ans (de façon progressive 40
ans en 2012 puis 41 ans en 2016) de la durée de
cotisation pour une retraite à taux plein (75 % du
dernier salaire touché pendant au moins 6 mois).

- indexation des pensions sur les prix et non plus sur les
salaires.

- décote de 5% par année manquante

Pour faire accepter la contre-réforme par certaines
organisations syndicales, des compensations ont été
accordées. A la SNCF, par exemple : augmentation du
dernier salaire par la création d’un échelon (attribué
automatiquement à l’ancienneté) supplémentaire,
augmentation de la pension par l’intégration de petites
parties de primes dans le traitement… Mais elles ne
compensent pas grand-chose : la contre-réforme fait
baisser la pension de 19%. Pour bénéficier du même
niveau de pension qu’avant, le cheminot doit travailler
2,5 ans de plus.

Conséquences de ces contre-réformes

Quoi qu’en disent le Medef et le gouvernement,
l’objectif des contre-réformes est de baisser le niveau
de la pension par rapport au salaire. Dans une
priode de chômage où les départs réels du travail
s’effectuent entre 58 et 59 ans, les durées réelles de
cotisation (statistiques et prévisions du COR) :

- sont de 37,5 ans aujourd’hui,

- augmenteront à 38,75 ans en 2020,

- puis baisseront progressivement à 37 ans en 2035 et
au-delà.

Toutes les mesures du gouvernement pour faire
semblant de faire travailler les plus anciens n’ont
aucune influence sur le fond, le taux de chômage,
mais transfèrent ces anciens d’un statut à l’autre.
Voici par exemple l’effet des mesures pour diminuer
le nombre de préretraités : le nombre de chômeurs
dispensés d’emplois augmente (essentiellement les
plus de 58 ans, car leur âge rend très improbable la
possibilité de trouver un travail) et l’ensemble des
personnes hors activité augmente.(cf tableau dans doc PDF)

Toutes les statistiques le montrent :

- La pension représentait 79% du salaire avant les
contre-réformes, 72% en 2007 et serait de 65% en
2020 et 59% en 2050 (selon le COR). Bien sûr, cela
pénalise plus les personnes aux carrières heurtées ou
interrompues, notamment les femmes dont
seulement 39% ont pu valider 37,5 ans (contre 85%
des hommes), mais aussi les chômeurs, précaires,
petits boulots, temps partiels…, les jeunes qui
débutent tard dans la vie active (études, chômage…)
 : début à 25 ans + 42 ans de cotisation = retraite à 67
ans ? Et aussi les métiers pénibles à la faible
espérance de vie.

- Le pouvoir d’achat des retraités, entre 1994 et 2004,
a baissé chaque année de :

- 0,3% pour le régime général de base et

- 0,6% pour les complémentaires,

- 0,5% pour les fonctionnaires.

Si nous laissons faire, l’avenir qu’ils nous
réservent sera la même chose : la durée de
cotisation sera toujours de 37 ans selon un constat
partagé du COR et la pension en 2035 se calculera
sur la base de 37/42 de la pension entière, soit 88%,
auquel il faut retirer 3 x 5% = 15% de décote.

En prenant l’exemple d’une pension entière de
1 000 € avant les contre-réformes, les 37/42ème
attribuent une pension de base de 880 € et la
pension réelle avec décote de 15% à 748 €, soit une
baisse de 25%.

La France n’est pas isolée. Il faut y voir les
conséquences d’une mondialisation qui généralise
l’austérité pour les salarié-es afin d’augmenter les
profits de quelques-uns, et la remise en cause d’une
protection sociale s’appuyant sur des cotisations
sociales et de la retraite par répartition.(cf tabelau doc PDF)

Fiche n° 2 contre réformes