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Une brèche dans notre système de retraite solidaire :comptes notionnels et par points
Article publié le 16 mai 2010

Le gouvernement a envisagé de supprimer nos systèmes de retraite pour
les remplacer par un système à « comptes notionnels » ou à « points ».
Un tel système ne garantirait plus un niveau de pension, baisserait
encore le niveau des pensions, diminuerait les solidarités et supprimerait
tout aspect collectif de l’accès à la retraite et tout enjeu politique dont le
partage des richesses.

Aucune garantie de niveau de pension et arrêt du progrès social

Nous passerions :

- d’un régime à prestations définies. Avant 1993, le fait de partir à 60
ans avec 37,5 années de cotisation donnait l’assurance de toucher du
régime des fonctionnaires 75 % de l’ancien salaire et du régime général
50% du salaire moyen touché pendant les 10 meilleures années (la
complémentaire devant compléter pour arriver à 75%). Les contreréformes
ont dégradé le montant de la pension mais n’ont pas mis à
mal le principe : chaque retraité bénéficie d’un taux de remplacement
(pourcentage de la pension par rapport au salaire) connu par avance.
La pension est garantie, c’est le niveau de cotisation qui est utilisé
comme variable principale d’équilibre des comptes.

- à un régime à cotisations définies, bloquées au départ, sans aucune
garantie sur la pension versée car son montant est déterminé de façon
à équilibrer les comptes. Chaque caisse de retraite s’engage uniquement
à récupérer les cotisations et à assurer l’équilibre financier du
régime. Outre la disparition de tout engagement sur un niveau de pension,
un régime à cotisations définies fige les cotisations et le partage
des richesses, c’est-à-dire stoppe tout progrès social.

Baisse des pensions et individualisation du rapport à la retraite

Ce serait chacun pour soi en espérant récupérer pendant la
retraite tout ce que l’on a engrangé pendant la vie active. Le
changement de système peut prendre 2 formes :

- comptes notionnels : pour chaque individu, les cotisations
versées alimentent un compte « notionnel », c’est-à-dire virtuel.
Chaque année, ce compte est réévalué en fonction
d’une indexation sur l’inflation, ou l’évolution des salaires,
ou le PIB… Au moment de l’âge de départ, ce capital virtuel
est divisé par le nombre d’années restant à vivre (selon
les prévisions d’espérance de vie) et détermine le montant
de la pension annuelle. En fait, un coefficient s’applique,
mais la retraite reste proportionnelle aux sommes versées.

Cela ressemble à de la capitalisation, avec une logique de
rente.

- système par points (appliqué au privé pour les complémentaires)
 : la même logique s’applique pour rendre lors du
départ en retraite, en proportion de ce qui a été donné lors
de la vie active, mais cette fois-ci de façon plus abstraite par
l’intermédiaire de points. Les cotisations versées tout au
long de la vie active permettent d’acheter des points,
selon un prix d’achat du point, qui varie chaque année.

Le nombre de points et la valeur du prix de vente du
point déterminent la pension au moment de la retraite.

La pension reste proportionnelle au montant des cotisations.

La régulation financière du régime de retraite
s’effectue par la fixation des prix d’achat et de vente du
point. Les salariés n’ont aucune visibilité sur ce que sera
le montant de leur retraite, car s’ils peuvent connaître le
nombre de leurs points, ils n’ont aucune assurance
quant à la valeur du point au moment de leur retraite.

Dans ces 2 cas, la pension dépend de l’ensemble de la
carrière, et non seulement des 25 meilleures années où
des 6 derniers mois, ce qui fait entrer dans le calcul les
plus mauvaises années et entraîne donc une baisse de la
pension. De plus, le salaire d’il y a 30 ou 40 ans ne vaut
plus grand-chose : certes, il est revalorisé mais seulement
sur l’indice des prix et non plus sur les salaires, depuis la
contre-réforme de 1993.

Fin des enjeux
politiques et frein
à la mobilisation
Le salaire « socialisé »
laisse place au salaire
« différé » dans une logique
de capitalisation où
chaque personne se voit
dotée d’un compte personnel
qui lui ouvre droit à
une pension proportionnelle
à ses cotisations. Ces
systèmes instaurent une
individualisation de la
retraite de chacun, où la
pension n’est plus le prolongement
(à 50 et 75%)
de l’ancien salaire, mais
devient le résultat de
l’épargne individuelle pendant
toute la vie active.

Ils rendent difficile une
mobilisation collective sur
des mots d’ordre clairs
comme les 37,5 années de
cotisation, le départ à 60
ans avec un taux plein, la
suppression des décotes…

L’équilibre des comptes se
réalise mathématiquement
avec la seule baisse
des pensions, sans même
envisager une augmentation
du taux des cotisations
sociales, fixé une fois
pour toutes, figeant ainsi
l’actuel mauvais partage
des richesses, la faible part
des richesses produites
consacrée à la masse salariale.

Le changement de
système ne semble pas
pour tout de suite

Le COR signale qu’un changement
de système s’avère
complexe et demande une
longue préparation incompatible
avec la nécessité d’agir
rapidement… et la baisse des
effectifs des fonctionnaires.

Et surtout, le COR insiste
fortement sur la persistance
d’un déséquilibre financier
car les comptes notionnels
et le système par points ne
permettent pas la prise en
charge du baby boom. La
« solution » naturelle de baisser
les pensions pour la verser
à un plus grand nombre
n’est pas possible socialement
en France, pays où la
pension représentait 79% du
salaire avant les contre-réformes,
puis 72% en 2007 et
serait selon le COR, de 65%
en 2020 et 59% en 2050, un
des taux les plus bas en
Europe. La France est le
pays des contre-réformes les
plus fortes dans cette
baisse, le 4ème en Europe des
27 et le 2ème dans l’ex-
Europe des Quinze.

Le gouvernement ne devrait
pas changer de système de
suite, mais reviendra à la
charge lorsque la crise sera
oubliée et que les effectifs
des retraités diminueront en
2035.

Les solidarités disparaissent du
système de retraite

Une solidarité disparaît, celle qui consiste à
écarter les salaires les plus faibles dans le calcul
de la pension, puisque tous les salaires entrent
dans le calcul de la pension. Les inégalités de la
vie se prolongent en retraite : pension « normale
 » pour celui qui a eu la chance d’avoir une
carrière stable, pension en baisse pour celui (bien
souvent celle) qui a subi des années moins bonnes
ou imparfaitement prises en compte.

Le système actuel repose sur de nombreuses
solidarités car la partie du salaire qui est
« socialisée » sert à la société. La solidarité apparaît
clairement pour la santé, qui assure des soins
même très chers à tout assuré, quels que soient
les montants de ses cotisations maladie. Elle
existe aussi dans notre système de retraite : environ
20 % (estimation du COR) des cotisations
retraites servent à accorder des droits à des individus
n’ayant pas cotisé dans la même proportion.
Des personnes momentanément hors travail
(maternité, service militaire, maladie, invalidité,
chômage indemnisé…) continuent de bénéficier
de la pension dont elles auraient eu droit sans ces
interruptions. D’autres voient certaines périodes
validées par le fait d’avoir élevé un enfant ou
d’avoir subi un métier pénible. Et certaines (parfois
certains) touchent une pension de réversion
alors qu’elles n’ont rien versé à ce titre.

Dans un système où l’on récupère en proportion
de ce que l’on a versé, le maintien des solidarités
incombe à la politique, notamment fiscale
et sa redistribution. Ainsi, l’Allemagne attribue
des points, au titre des périodes de chômage
indemnisé, financés par l’agence du travail. La
Suède prend en compte les périodes d’inactivité
par un capital virtuel dont le coût est pris en
charge intégralement par l’État (maladie) ou par
l’assuré (certains droits familiaux).

Dès aujourd’hui, défendons notre système basé sur les solidarités.

Disons non à un système par comptes notionnels ou par points qui provoquerait :

- La suppression de la garantie de niveau de pension et l’arrêt du progrès social

- L’illusion de la constitution d’une rente que l’on devrait retrouver plus tard

- La baisse des pensions et l’individualisation du rapport à la retraite

- La disparition des enjeux politiques et un frein à la mobilisation

- La fin ou la forte diminution des solidarités…

Tract changement de système